La santé cardiaque des femmes, c’est différent ?

Date

13 FÉVRIER 2022

 

La crise cardiaque chez la femme, c’est différent?

En quoi la crise cardiaque est-elle différente pour les femmes? Pourquoi le sujet est-il si peu connu? Quelles en sont les conséquences?  Un enjeu de santé trop longtemps ignoré.

 

L’organisme masculin : un modèle universel?

Jusqu’à récemment, les études liées aux maladies du cœur étaient principalement orientées vers l’homme et généralisées à la femme. Et ce, en raison de l’évolution des sciences de la santé dans une société patriarcale, largement concentrée sur les « problèmes d’hommes ». Cependant, saviez-vous qu’une Canadienne sur trois présente une maladie cardiovasculaire et qu’une femme a 2 fois plus de chance de mourir d’un infarctus qu’un homme ? (www.chumontreal.qc.ca/cardiof)

 

En 1990,

Nieca Goldberg, jeune cardiologue, aujourd’hui directrice du Joan H. Tisch Center for Women’s health, fut l’une des premières à se préoccuper de la santé cardiaque féminine. Lorsqu’elle constata que sa patiente avait été victime d’une crise cardiaque, elle amorça des recherches sur la santé du cœur féminine et devint une pionnière dans le domaine. (Nedelman, 2017) Elle inspira plusieurs études futures démontrant que les symptômes de problèmes cardiaques sont majoritairement plus subtils chez la femme que chez l’homme.

 

Des recherches qui s’avèrent, aujourd’hui, plus qu’essentielles sachant que, selon l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, les maladies coronariennes représentent, chez la femme, la première cause de décès prématuré au Canada.

 

Premières initiatives canadiennes et québécoises

 

Canada

Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes

 

C’est en avril 2016 qu’avait lieu le premier Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes à Ottawa. L’événement, organisé par l’Institut cardiologique de l’Université d’Ottawa et la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, représentait « le premier événement national centré sur la santé cardiaque des femmes en plus de 15 ans » (Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, 2017).  

 

Quatre recommandations* jugées nécessaires sont ressorties de cette rencontre :

  • Transformer les pratiques cliniques et faire de la sensibilisation auprès des médecins.
  • Créer l’Alliance nationale de la santé cardiaque des femmes afin d’encourager la collaboration en recherche et dans les soins cliniques.
  • Aborder le sujet d’un point de vue politique pour sensibiliser la population.
  • Stimuler l’avancement dans la recherche.

 

*(Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, 2017)

 

Deuxième Sommet

 

La deuxième édition du Sommet eut lieu en avril 2018. Avec pour thème Le cœur dans tous ses états, son objectif principal fut d’orienter « les discussions sur la santé cardiaque des femmes à toutes les étapes de leur vie » (Lachance, 2018).

 

Des experts de partout dans le monde et des femmes qui ont vécu la maladie du cœur se sont rassemblés pour l’événement dans le but de discuter de stratégies pour combler les lacunes en ce qui a trait à la santé cardiaque des femmes. Ils ont également présenté les résultats de récentes recherches, ainsi qu’échangé sur les percées scientifiques, la prévention, le traitement et le rétablissement (Lachance, 2018).

 

Québec

Chaire de recherche sur la santé cardiaque des femmes

 

La première chaire de recherche sur la santé cardiaque des femmes au Québec, octroyée par la Fondation des maladies du Cœur et de l’AVC en collaboration avec l’Université McGill, fut lancée le 1er juillet 2019.

 

Dirigé par la docteure Natalie Dayan, professeure adjointe à la Faculté de médecine de l’Université McGill et directrice en médecine obstétrique à la Division de médecine générale interne du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), le projet vise à :

  • approfondir les connaissances sur le sujet;
  • trouver des moyens pour réduire les risques de maladies du cœur et d’accident vasculaire cérébral; et
  • examiner les bienfaits de l’allaitement immédiatement après l’accouchement.

 

Centre d’expertise québécois voué à la santé cardiovasculaire de la femme

 

En 2021, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a annoncé qu’il financerait la construction du Centre cardio F, le premier centre d’expertise québécois voué à la santé cardiovasculaire de la femme.

 

Cardio F a pour mission de pallier au manque de connaissances sur les spécificités propres au diagnostic féminin. Ainsi, grâce à la recherche clinique, le Centre vise à “mieux comprendre, améliorer, prévenir, dépister, guérir et traiter les maladies cardiovasculaires des femmes à travers leurs différentes trajectoires de vie”. (Cardio F)

 

Facteurs de risque propres aux femmes

Saviez-vous que les risques sont beaucoup plus élevés chez la femme ? Eh oui, ça s’explique, entre autres, par les nombreux changements physiques et hormonaux qu’elle traverse au cours de sa vie, tel que la grossesse et la ménopause.

 

De 12 à 50 ans, son corps produit de l’œstrogène, une hormone qui protège sa santé cardiaque, et donc, c’est la période où elle est, en théorie, le moins à risque. Toutefois, certains contraceptifs oraux, contenant de l’œstrogène et de la progestérone, peuvent causer de l’hypertension artérielle et former des caillots sanguins. Ces risques s’accroîtront considérablement si une femme fume ou si elle est déjà aux prises avec de l’hypertension artérielle.

 

Pendant la grossesse, divers problèmes de santé tels que la prééclampsie et le diabète peuvent également perturber le bien-être cardiaque.

 

À l’âge de 50 ans, généralement à la ménopause, le risque d’incident cardiaque augmente drastiquement en raison de la diminution du taux d’œstrogène. Cette période est également bien souvent accompagnée d’une augmentation du taux de cholestérol, de la pression artérielle et des tissus gras, des facteurs qui accroissent le risque de maladie du cœur. (Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, s. d.)

 

Signes avant-coureurs

Les professionnels de la santé ont constaté que plusieurs femmes présentent des signes* précurseurs d’une crise cardiaque des semaines, voire même des mois, avant l’incident. Ils qualifient ces signes d’« atypiques », car peu d’hommes disent les avoir ressentis.

 

Fatigue

Baisse importante et inhabituelle du niveau d’énergie qui ne s’atténue pas après plusieurs jours.  

 

Trouble du sommeil

Difficultés d’endormissement ou réveils nocturnes plus fréquents, le plus souvent en raison d’un inconfort ou d’une douleur qui empêche de dormir.

 

Essoufflement

Sensation d’être à bout de souffle après une activité ordinaire, mais surtout pendant un effort.

 

Indigestion

Sensation pénible de distension abdominale peu après un repas, parfois accompagnée d’une douleur ou d’une sensation de brûlure dans la partie supérieure de l’abdomen.

 

Douleur dans la poitrine

Inconfort léger qui peut aussi s’apparenter à une indigestion.

 

Anxiété

Sensation de nervosité ou de crainte sans raison apparente ou plus fréquente qu’à l’accoutumée.

 

*(Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes, s. d. (b))

 

Malheureusement, la sous-représentation des femmes lors des recherches antérieures sur les maladies du cœur fait qu’elles sont peu sensibilisées à leurs risques et à leurs symptômes. Par conséquent, elles ne vont pas consulter et n’obtiennent donc pas assez rapidement les soins dont elles ont besoin.

 

Beaucoup de femmes ont tendance à sous-estimer l’importance de leurs symptômes en les attribuant au stress quotidien et à leur rythme de vie soutenu par le travail, les enfants et les tâches ménagères. Certaines d’entre elles pensent également qu’il s’agit de simples problèmes digestifs, des effets secondaires d’un médicament, ou même que les symptômes disparaîtront tout seuls.  

 

Symptômes aigus

Immédiatement avant la crise cardiaque, les femmes ressentent généralement une douleur thoracique, tout comme les hommes. Néanmoins, à l’opposé des hommes, elles ne décrivent pas cette douleur comme « poignardante ». Cette douleur est plutôt ressentie comme une sensation de tiraillement ou de pression dans l’abdomen.

 

Voici les symptômes* que les femmes éprouvent, généralement, juste avant un incident :  

 

Fatigue

Baisse importante et inhabituelle du niveau d’énergie qui ne s’atténue pas après plusieurs jours.  

 

Difficultés respiratoires

La respiration devient soudainement très difficile, peu profonde.

 

Douleur irradiante

La douleur se répand dans la mâchoire, le bras, l’épaule et peut s’étendre jusqu’au dos.

 

Ces symptômes sont moins fréquents, mais ils peuvent aussi survenir :

 

Sueurs froides

La transpiration est soudaine malgré une peau fraîche. Parfois, la patiente se plaint de sensations de chaleur ou de rougeur au visage.

 

Nausées

Mal de cœur sans raison apparente, qui s’accompagne parfois de vomissements.

 

Étourdissements

Sensation de faiblesse ou de vertige.

 

*(Source : Centre canadien de santé cardiaque chez la femme, s. d. (b))

 

Évidemment, les symptômes varient d’une femme à l’autre et ne se présentent pas nécessairement tous simultanément. Certaines en éprouvent quelques-uns de manière progressive, tandis que d’autres les ont tous en même temps. Les signes peuvent apparaître et disparaître avec le temps, mais il est primordial de vite appeler le 9-1-1 dès que les premiers symptômes se présentent ou dès qu’il y a un doute.

 

Diagnostic

Dans les dernières années, les chercheurs ont observé des différences physiologiques entre le cœur de l’homme et celui de la femme. Plus précisément, ils ont constaté que, chez la femme, le cœur et les artères sont plus petits et que la fréquence cardiaque est plus élevée. De même, ils ont noté que, contrairement aux hommes, les plaques qui se collent aux parois du cœur n’élargissent pas les artères, mais plutôt les rétrécissent, favorisant ainsi la formation de caillot de sang et l’obstruction.

 

Par conséquent, les examens visant à détecter les maladies du cœur, basés sur le cœur d’homme, s’avèrent imprécis. En conséquence, cette variation influence le diagnostic, le traitement, et donc, le taux de survie de la femme. (Centre canadien de santé cardiaque pour la femme. s. d. (a))

 

Bref,

Il est primordial de faire disparaître la fausse croyance que les maladies cardiaques sont des problèmes d’hommes pour combler les lacunes quant au sexe et au genre en matière de santé. Les initiatives comme la Chaire de recherche sur la santé cardiaque des femmes font un travail essentiel d’amélioration des connaissances sur les diagnostics et les traitements des maladies du cœur et de l’AVC chez la femme. Encourager les organismes et chercheurs qui font de cet enjeu une priorité, c’est aider à sauver la vie de nombreuses femmes.

 

Sources

  • Agence QMI. 28 octobre 2021. « CHUM : un premier centre d’expertise pour la santé cardiovasculaire de la femme ». Journal de Montréal. https://www.journaldemontreal.com/2021/10/28/chum-un-premier-centre-dexpertise-pour-la-sante-cardiovasculaire-de-la-femme [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Centre Canadien de santé cardiaque pour la femme. S.d. (a) « La différence ». Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. https://cwhhc.ottawaheart.ca/fr/la-difference [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Centre Canadien de santé cardiaque pour la femme. S.d. (b) « Les symptômes féminins : une crise cardiaque atypique ». Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. https://cwhhc.ottawaheart.ca/fr/les-femmes-et-mcv/les-symptomes-feminins [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Fondation des maladies du cœur et de l’AVC. S.d. « Facteurs de risque propres aux femmes ». https://www.coeuretavc.ca/maladies-du-coeur/risque-et-prevention/facteurs-de-risque-propres-aux-femmes [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Gouvernement du Canada. 2009. « Quels sont les symptômes d’une crise cardiaque chez les femmes ? ». https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies-chroniques/maladie-cardiovasculaire/quels-sont-symptomes-crise-cardiaque-chez-femmes.html [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Février 2020. « Canadiens et Canadiennes : le 13 février, portons du rouge pour la santé cardiaque des femmes ». The Beat. https://www.ottawaheart.ca/fr/the-beat/2020/02/10/canadiens-et-canadiennes-le-13-février-portons-du-rouge-pour-la-santé-cardiaque [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. S.d. « Prévention et mieux-être : sexe ».  https://pwc.ottawaheart.ca/fr/educatives/education-en-sante-cardiaque/les-facteurs-de-risque/sexe [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Juin 2017. « Tracer la voie pour la santé cardiaque des femmes au Canada ». The Beat. https://www.ottawaheart.ca/fr/the-beat/2017/06/24/tracer-la-voie-pour-la-santé-cardiaque-des-femmes-au-canada [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Lachance, Judith. 5 avril 2018. « Avis aux médias : Sommet canadien sur la santé cardiaque des femmes ». Institut de cardiologie de L’Université d’Ottawa. https://www.ottawaheart.ca/fr/communiqué/avis-aux-médias-sommet-canadien-sur-la-santé-cardiaque-des-femmes [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • La Presse Canadienne. 18 juin 2019. « Une première chaire sur la santé cardiaque des femmes au Québec ». La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2019-06-18/une-premiere-chaire-sur-la-sante-cardiaque-des-femmes-au-quebec [Dernière consultation le 11/02/2022]
  • Nedelman, M. 14 février 2017. « For decades, women had heart attacks in silence ». CNN Health. https://www.cnn.com/2017/02/10/health/women-heart-attack-research/index.html [Dernière consultation le 11/02/2022]

 

Article rédigé par Laurie Lévesque, créatrice de contenu pour l’Académie Saint-Bernard.

Édité et mis en page par Émilie Bédard, responsable des communications.

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